Le Point.fr - Publié le 26/04/2011 à 12:02 - Modifié le 26/04/2011 à 12:35
Comme la tarte Tatin, la tauromachie appartient désormais au patrimoine culturel français. Ni les taureaux ni les pommes n'ont été consultés.
Par Frédéric Lewino
À 7 h 15 ce matin, mon portable signale l'arrivée d'un texto. D'un oeil vitreux, je déchiffre ceci : "Tu vas faire un papier sur la corrida inscrite au patrimoine culturel français par ce con de Frédéric Mitterrand ? C'quoi cette grosse blague, la honte..." Signé : Lamya Essemlali, présidente de Sea Shepherd France. C'est bien ma chance : prêtez un peu d'attention à une militante pour la cause animale et vous êtes sûr d'être harcelé en permanence. Si je devais écrire un papier à chaque fois qu'un animal est massacré sur Terre...
Remarquez, je comprends la colère des opposants à la corrida en découvrant que la France est le premier pays à considérer la tauromachie comme une exception "culturelle à sauvegarder" et, pour cette raison, à la faire entrer au patrimoine immatériel de la France. Même l'Espagne, pays de la tauromachie, n'a pas - encore - osé. Renseignement pris auprès du ministère de la Culture, c'est une commission ethnologique qui aurait effectué ce classement d'après des critères "exclusivement scientifiques".
Les traditions à inscrire ne manquent pas
Et puis comment ne pas succomber à l'argument massue du ministère de la Culture qui précise dans son communiqué que la tauromachie ne fait que rejoindre la "tarte Tatin", dont on connaît effectivement la douleur des pommes coupées en quatre, "le Fest-Noz", véritable torture physique obligeant le Breton à sautiller toute la nuit, et la "tapisserie d'Aubusson", qui condamne des milliers de moutons à se peler de froid. Incontestablement, vue sous cet angle, la tauromachie mérite bien son classement. L'Observatoire national des cultures taurines, créé en 2008 à Arles et à l'origine de la demande de ce classement, a très bien joué. Olé !
À Frédéric Mitterrand, je peux suggérer plusieurs autres activités culturelles à faire entrer au patrimoine immatériel de l'humanité au même titre que la tauromachie. La chasse aux têtes, à Bornéo, où, pour devenir un homme, le jeune Dayak devait rapporter au village une tête fraîchement coupée dans le village voisin. Quelle formidable épreuve de courage ! Je suggère également l'Inquisition, qui organisait de merveilleux feux de joie avec les fornicateurs, bigames, relaps et autres... pédérastes. Enfin, il y a une tradition d'autrefois qui me tient particulièrement à coeur : c'est celle inaugurée par les chevaliers partant en croisade et qui consistait à offrir à leur épouse une ceinture de chasteté. Même si cette dernière tradition semble être une totale invention.
Autant dire que ce ne sont pas les traditions culturelles de bon aloi qui manquent. Satisfaite, Lamya ?