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Oh moi, vous savez, je ne mange que de la viande bio...

 

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Nous roulions tranquillement dans une grande voiture, toutes vitres baissées.

Ils étaient entassés sur deux étages, dans une minuscule bétaillère parquée sous un soleil de plomb.

Ce dimanche d'été, lorsqu'à la sortie d'un virage, leurs pleurs et leurs cris ont soudain couvert nos rires, nos deux mondes ne faisaient plus qu'un : un monde de cauchemars.

Comment ne pas voir ? Comment ne pas entendre ? Comment passer son chemin en se disant que tout va bien ? Parce que NON, tout ne va pas bien ! S'arrêter et dire NON ! Peu importe de quelle manière, pas le temps de réfléchir, mais NON !

Pas le temps de pleurer, pas le temps de discuter. Descendez ces moutons immédiatement ! Ne comprenez-vous pas qu'ils souffrent ? Ils veulent sortir ! N'entendez-vous pas qu'ils étouffent ? Ils toussent ! Ne voyez-vous pas qu'ils angoissent ? Ils se font sur eux ! Combien sont-ils dans cette fournaise ? Cinquante ! Comment est-ce possible ? Descendez-les immédiatement ! NON, ne les tirez pas par les pattes ! Doucement, ce ne sont pas des objets ! Ne comprenez-vous pas que vous leur faites mal ?

Que nous foutions le camp ? Pas question ! Nous resterons jusqu'à ce qu'ils soient tous descendus ! Doucement, nous avons dit doucement ! Comment, ils ne se rendent pas compte de ce qui leur arrive ? Regardez, mais regardez donc ! Ils ne veulent pas descendre ! Ils remontent ! Ils remontent dans le camion de l'enfer ! Ils sont terrorisés ! Ils ne veulent pas mourir ! Est-ce si difficile à comprendre ?

Ils nous regardaient. Ils nous suppliaient. Ils savaient. Nous ne pouvions rien faire. Il est interdit de porter assistance à animal de consommation en danger.

Nous avons dû reprendre la route. Aucune de nous n'a dormi cette nuit-là. Les moutons ne seraient pas tués avant le lendemain. Toute la nuit, ils attendraient dans la souffrance et la peur leur mort inéluctable, puisqu'on ne les avait fait naître que pour les priver de leur vie.

Sur les murs de l'abattoir était fièrement affiché le logo « AB » (Agriculture Biologique).

Lise Defrance

Tarascon, dimanche 27 juin 2004

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